Le texte reçu fait dire à Jésus : « Moi, je ne monte pas encore », mais ce dernier mot n’est qu’une correction, très ancienne (B et nombreux majuscules) il est vrai, destinée à lever la contradiction qu’il y a entre cette déclaration de Jésus et le fait qu’il alla pourtant à la fête (verset 10).
C’est là, en effet, une sérieuse difficulté que l’incrédulité a exploitée dès les premiers siècles de l’Église. On sait par Jérôme que Porphyre en prenait occasion d’accuser Jésus « d’inconstance ».
L’exégèse moderne a fait diverses tentatives pour expliquer cette parole de Jésus.
Ainsi, en insistant sur le présent du verbe : Je ne monte pas, elle le fait signifier : pas maintenant, ce qui revient au pas encore du texte reçu (Lücke, Olshausen, Tholuck). Ou bien elle a paraphrasé ainsi : « Je ne monte pas avec vous, ou avec la caravane ». Ou encore, en mettant l’accent sur cette fête, elle a pensé que Jésus voulait dire : Je ne vais point célébrer la fête, prendre part à ses cérémonies, à ses sacrifices, à sa joie ; et en effet, la fête était à moitié passée (verset 14) quand Jésus y monta en secret (verset 10) et se rendit directement dans le temple (Ainsi Lange, Ebrard et d’autres).
Enfin une interprétation plus élevée et plus vraie, proposée par Bengel, admise par M. Luthardt et développée par M. Godet consiste à voir dans la parole de Jésus une réponse directe à la demande que ses frères lui faisaient de paraître publiquement et comme le roi Messie au sein de cette fête.
Ce serait là ce que Jésus refuse, attendu que son temps n’est pas encore venu, pas encore accompli. Il n’ira donc pas à cette fête se manifester comme Messie ; il dit : je ne monte pas à cette fête, et non : à la fête c’est qu’il en a une autre en vue, celle de Pâque, où son temps sera venu, et alors il ne se soustraira pas à la démonstration publique que ses frères réclament et qui le conduira à la mort.
Cette interprétation renferme une part de vérité : elle relève l’opposition que Jésus établit certainement entre cette fête des Tabernacles et une fête subséquente vers laquelle se porte sa pensée ; mais elle ne rend pas compte de sa déclaration si nette et si catégorique : Vous montez à la fête : moi, je ne monte pas.
En donnant à ce dernier mot le sens de : « Je ne me manifesterai pas publiquement comme Messie », elle prête au langage de Jésus une équivoque qui est contraire à sa parfaite véracité. Est-il admissible qu’en disant : Moi je ne monte pas à cette fête, il eût déjà le projet arrêté d’y monter en secret ?
Il ne reste donc qu’une explication possible c’est qu’au moment où il parlait ainsi, Jésus était bien décidé à se tenir éloigné de la fête des Tabernacle qui se célébrait à Jérusalem, remettant à la Pâque prochaine sa manifestation messianique. Quelques jours plus tard il prit une résolution différente.
Il ne faut pas dire simplement avec Bleek et Meyer qu’il changea d’avis, car ce serait l’exposer au reproche de Porphyre. Il est plus juste de supposer, avec M. Weiss, qu’il reçut de son Père une indication qui modifia ses vues et ses plans. Un tel changement n’a rien de surprenant, car Jésus attendait de moment en moment et suivait docilement les directions intérieures de son Père (Jean 5.20 ; Jean 12.49-50).